University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Nepal, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.42 (1994).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-deuxième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme


Népal

1. Le Comité a examiné le rapport initial du Népal (CCPR/C/74/Add.2) à ses 1359ème et 1363ème séances, les 17 et 19 octobre 1994, et a adopté A sa 1382ème séance, le 2 novembre 1994 les observations suivantes :

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec intérêt le rapport initial (CCPR/C/74/Add.2) et le document de base (HRI/CORE/1/Add.42) du Népal et remercie l'Etat partie pour l'ouverture d'un dialogue constructif. Il regrette cependant que les renseignements fournis dans le rapport soient à maints égards incomplets et ne suivent pas les directives du Comité concernant la forme et le contenu des rapports initiaux (CCPR/C/5/Rev.1). Le manque d'informations sur les facteurs et difficultés affectant l'application du Pacte a empêché le Comité de se faire une idée précise de la situation réelle des droits de l'homme dans le pays.

3. Le Comité remercie l'Etat partie d'avoir pris part au dialogue et répondu aux questions posées par ses membres. Les renseignements utiles fournis oralement ont complété dans une certaine mesure le rapport, offrant ainsi une bonne base pour un dialogue franc et fructueux entre le Comité et l'Etat partie. Le Comité regrette cependant que la délégation n'ait pas comporté des représentants des divers ministères concernés par la mise en oeuvre du Pacte, en particulier du Ministère de la Justice.

B. Facteurs et difficultés affectant l'application du Pacte

4. Le Comité reconnaît que le Népal émerge d'une longue période d'isolement et que les vestiges du pouvoir autoritaire n'ont pas encore été éliminés. Il faut encore prendre des mesures pour mettre en place, consolider et renforcer les institutions démocratiques en vue d'une meilleure application du Pacte. La dépression économique, la pauvreté extrême et l'analphabétisme très répandu font obstacle à une application efficace du Pacte.

C. Aspects positifs

5. Le Comité se félicite des efforts entrepris par l'Etat partie pour établir des institutions démocratiques et le pluralisme politique ainsi que de son attachement déclaré à la légalité et à l'indépendance de la magistrature. Il prend note en particulier de l'adoption d'une nouvelle Constitution qui jette les bases d'un système parlementaire de gouvernement fondé sur une démocratie pluraliste et sur une Cour suprême indépendante. Le droit des citoyens d'adresser des pétitions à la Cour suprême afin de contester des lois qui violent les droits de l'homme et l'usage de ce droit est particulièrement louable. Le Comité note également avec satisfaction que le Népal a adhéré récemment à un certain nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

D. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité note que la place du Pacte dans le système juridique n'est pas claire et que les initiatives nécessaires n'ont pas encore été prises pour adopter des mesures législatives et autres destinées à donner effet aux droits reconnus dans le Pacte. En outre, il existe un écart important entre les dispositions de la Constitution et les autres normes juridiques, d'une part, et leur application pratique, d'autre part. En conséquence, il faut définir clairement la place du Pacte dans le système juridique népalais pour garantir que le droit interne soit appliqué conformément aux dispositions du Pacte et que cet instrument puisse être invoqué devant les tribunaux et appliqué par les autres autorités concernées. L'absence de publicité donnée aux dispositions du Pacte et du Protocole facultatif est également préoccupante. Etant donné que les dispositions de la Constitution semblent garantir des droits et des libertés aux seuls citoyens, le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur son obligation d'assurer à tous les individus relevant de sa juridiction les droits et libertés reconnus dans le Pacte.

7. Le Comité note que les clauses de non-discrimination qui figurent à l'article 11 de la Constitution ne couvrent pas tous les motifs visés aux articles 2 et 26 du Pacte. Il est particulièrement préoccupé par le fait que le principe de non-discrimination et d'égalité des droits souffre de nombreuses violations dans la pratique, et il déplore les lacunes constatées dans l'application de l'interdiction du système des castes. La persistance de la pratique de la servitude pour dettes, le trafic de femmes, le travail des enfants et l'emprisonnement pour incapacité de s'acquitter d'un engagement contractuel constituent des violations manifestes de plusieurs dispositions du Pacte.

8. Le Comité exprime sa préoccupation au sujet de la situation des femmes qui, en dépit de certains progrès, continuent à faire l'objet d'une discrimination de jure ou de facto en ce qui concerne le mariage, l'héritage, la transmission de la nationalité aux enfants, le divorce, l'éducation, la protection contre la violence, la justice pénale et les salaires. Le Comité est également préoccupé par le fait que l'espérance de vie moyenne des femmes est inférieure à celle des hommes. Il déplore le nombre élevé de femmes emprisonnées après avoir été condamnées pour des délits résultant de grossesses non désirées.

9. Le Comité déplore le manque de clarté des dispositions légales régissant la proclamation et l'administration de l'état d'urgence, en particulier de l'article 15 de la Constitution, qui peut permettre des dérogations en conflit avec les obligations d'un Etat partie en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte.

10. Le Comité est profondément préoccupé par les cas d'exécutions sommaires et arbitraires, de disparitions forcées ou involontaires, de torture et de détention arbitraire ou illégale imputables à des militaires et à des membres des forces de sécurité ou d'autres forces au cours de la période examinée, qui ont été portés à son attention. Il déplore que ces violations n'aient pas fait l'objet d'enquêtes appropriées, que les coupables de ces actes n'aient été ni traduits en justice ni châtiés, et que les victimes et leurs familles n'aient pas été indemnisées. Il regrette que les projets de lois contre la torture et les mauvais traitements, ainsi que sur l'indemnisation des victimes de torture, n'aient pas encore été adoptés. De plus, l'autorité quasi judiciaire du chef de district et la protection insuffisante de l'indépendance de la magistrature compromettent les efforts déployés pour empêcher la répétition de tels actes.

11. Le Comité note avec préoccupation les restrictions excessives apportées au droit à la liberté d'expression et d'information et les restrictions appliquées à la manifestation de la religion et au changement de religion.

E. Suggestions et recommandations

12. Le Comité recommande que les réformes législatives en cours au Népal soient élargies et intensifiées pour faire en sorte que toute la législation pertinente soit conforme au Pacte. Il souligne que les dispositions du Pacte doivent être pleinement incorporées au droit interne et être rendues applicables par les tribunaux nationaux. Les mesures nécessaires devraient être prises pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte. Cet instrument et le premier Protocole facultatif devraient être traduits dans toutes les langues parlées au Népal, largement diffusés et inclus dans les programmes scolaires, pour que leurs dispositions soient largement connues des juristes, des magistrats et des responsables de l'application des lois, ainsi que du grand public. Les membres de la profession juridique et les organisations non gouvernementales devraient être encouragés à contribuer au processus de réforme.

13. Le Comité souligne la nécessité de prendre des mesures appropriées pour assurer l'application effective des articles 2 et 3 du Pacte, particulièrement par le biais de l'adoption de mesures administratives et éducatives afin d'éliminer les pratiques traditionnelles et les coutumes préjudiciables au bien-être et la condition des femmes et des groupes vulnérables de la société népalaise.

14. Le Comité recommande que des renseignements appropriés soient recueillis, et que des mesures éducatives soient prises pour éliminer les pratiques de la servitude pour dettes, du trafic des femmes et du travail des enfants. Les réformes pénitentiaires actuellement envisagées devraient être accélérées.

15. Le Comité recommande que les autorités adoptent une législation pour mettre en harmonie le régime juridique interne avec les obligations du Népal en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte.

16. Le Comité demande instamment au Gouvernement népalais de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les exécutions extrajudiciaires et sommaires, les disparitions forcées ou involontaires, la torture et les traitements dégradants et la détention illégale ou arbitraire. Il recommande que tous les cas de ce genre fassent l'objet d'enquêtes systématiques afin que ceux qui sont soupçonnés d'avoir commis de tels actes soient traduits devant les tribunaux et que les victimes soient indemnisées.

17. Le Comité recommande au Népal d'étudier des mesures allant dans le sens de l'abolition de la peine de mort et d'envisager d'adhérer au deuxième Protocole facultatif.

18. Le Comité recommande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner effet à la séparation des fonctions exécutive et judiciaire, et assurer l'entière indépendance et le bon fonctionnement de la justice. Les textes des projets de loi contre la torture et les mauvais traitements ainsi que sur l'indemnisation des victimes de torture devraient être alignés sur les dispositions du Pacte et adoptés le plus tôt possible. Il faudrait organiser des cours de formation spécialement ciblés sur les droits de l'homme, à l'intention des responsables de l'application des lois, des magistrats, du personnel de police et des forces de sécurité.

19. Le Comité invite l'Etat partie à rédiger son deuxième rapport périodique en suivant ses directives concernant la forme et le contenu des rapports d'Etats parties (CCPR/20/Rev.1). Ce rapport devrait en particulier contenir des renseignements détaillés sur les lois spécifiques applicables à chacun des droits protégés par le Pacte et sur la mesure dans laquelle chacun est exercé dans la pratique, et faire état des facteurs et difficultés spécifiques pouvant affecter l'application de cet instrument. Pour s'acquitter de cette obligation, l'Etat partie peut demander à bénéficier des services consultatifs et du Programme d'assistance technique du Centre pour les droits de l'homme.



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